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Le Parlement soutient le durcissement envers les Erythréens

Des Erythréens manifestent à Berne en mai 2018
En mai dernier, plus de 1500 Erythréens ont manifesté devant le Palais fédéral à Berne contre le durcissement de la politique d'asile. © KEYSTONE / PETER SCHNEIDER

Une pétition pour accorder l’asile à tout requérant érythréen menacé de mauvais traitements a été balayée par la Chambre haute du Parlement. Le Conseil des États approuve le tour de vis donné par les autorités suisses dans l’examen des demandes d’asile.


La pétitionLien externe a récolté plus de 12’000 signatures. Lorsqu’elle a été remise aux autorités suisses en mai dernier, environ 1500 Erythréens ont manifesté devant le Palais fédéral à Berne.

Cette pétition a été balayée mercredi par le Conseil des États (Chambre haute du Parlement). Les sénateurs ont décidé de ne pas y donner suite par 30 voix contre 9 et 2 abstentions. «Je ne comprends pas cette décision, déclare le conseiller aux États Vert Robert Cramer, membre du comité de soutien à la pétition. Le texte demande juste le respect des procédures d’asile». La récolte des signatures a été lancée par des organisations vaudoises, genevoises et bernoises en contact régulier avec des Erythréens. Le texte réclame que «les auditions des migrants soient effectuées selon des critères respectant la tradition humanitaire de la Suisse, et que l’asile soit accordé à tout requérant érythréen menacé de mauvais traitements dans son pays, ceci avec effet immédiat et rétroactif.»

Changement de pratique

Cette pétition a été lancée en réaction à un durcissement du Secrétariat d’État aux migrationsLien externe (SEM) lors de l’examen des demandes d’asile des Erythréens. Le SEM a rédigé en 2015 un rapport sur la situation dans ce pays et adapté ses pratiques en conséquence. De récentes décisions du Tribunal administratif fédéralLien externe ont confirmé ce tour de vis, jugeant que les personnes qui ont quitté illégalement l’Erythrée ne sont pas forcément menacées de persécution ou d’enrôlement forcé dans l’armée en cas de retour. Le SEM a alors décidé de réexaminer 3400 dossiers de requérants érythréens titulaires d’une admission provisoire, pour évaluer si un retour dans le pays était désormais exigible.

Le SEM examine les dossiers

Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a déjà revu l’admission provisoire de 250 Erythréens et a décidé de la lever pour 9% d’entre eux. Il a surtout évalué les dossiers d’individus qui sont, selon le SEM, moins exposés au danger en cas de retour, car ils ont déjà suivi leur service militaire en Erythrée. Ce qui explique le taux relativement élevé de 9%. Depuis 2003, le SEM a réexaminé environ 50’000 admissions provisoires et seules 4% d’entre elles ont été levées. D’ici le milieu de l’année prochaine, le Secrétariat d’État aux migrations a prévu d’étudier 2800 autres admissions provisoires de ressortissants érythréens, en priorité des familles, des mineurs non accompagnés et des jeunes en formation.

Le Conseil des États soutient ce durcissement. Il estime que l’examen individuel des dangers qui pèsent sur chaque requérant d’asile et le renvoi des personnes dont le statut de réfugié n’a pas été reconnu sont la base d’une politique d’asile crédible. C’est la raison pour laquelle il a refusé de donner suite à la pétition et a adopté sans opposition une motion du libéral-radical Damian Müller. Cette dernière exige du Conseil fédéral de lever autant d’admissions provisoires que possible et de rendre un rapport en 2020 sur le réexamen des dossiers des requérants érythréens.

«J’ai l’impression que le rejet de cette pétition n’a aucun rapport avec son texte, mais que le Parlement veut faire passer le message qu’il n’est pas complaisant et ne veut pas faciliter l’arrivée des Erythréens en Suisse, analyse Robert Cramer. Mais cette attitude est contraire à un État de droit, ces demandeurs d’asile ont le droit d’être traités comme les autres».

«Aucun signe concret d’amélioration»

Un autre argument avancé par les sénateurs pour justifier leur soutien aux nouvelles pratiques du SEM est le traité de paix signé en juillet dernier entre l’Erythrée et l’Ethiopie. «Il s’agit d’un premier pas vers une normalisation en Erythrée et une chance pour la Suisse de renforcer sa présence sur place», estime Damian Müller.

Une affirmation vivement contestée par Amnesty InternationalLien externe: «Nous n’avons constaté aucun signe concret d’amélioration des droits humains en Erythrée depuis son rapprochement avec l’Ethiopie, déclare Alain Bovard, porte-parole de la section suisse de l’ONG. Il y a encore eu des manifestations en juillet à Asmara où l’armée a tiré dans la foule». Amnesty International rappelle que les requérants d’asile qui arrivent en Suisse fuient avant tout un État totalitaire, des actes de torture et de mauvais traitements. 

«Ce durcissement dans l’examen des demandes d’asile est de la poudre aux yeux, car les renvois ne peuvent pas s’effectuer vu que le gouvernement érythréen n’accepte que les retours volontaires, souligne Alain Bovard. Les requérants privés d’admission provisoire se retrouvent à l’aide d’urgence, marginalisés, sans possibilité de se former ou de travailler. Ils restent en Suisse mais sont privés de toute possibilité d’intégration».

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